Par Sophie Képès le 1 Juil 2015
Tu passes ton carnet d’adresses au peigne fin
En tombent réduits en poussière
Tous ces braves poètes ces bouillants dissidents
Qui dans les soixante-dix levaient le coude et le drapeau
Se retrouvaient à l’ombre plus souvent qu’à leur tour
Bannis mis à l’index ou privés de travail
Jamais privés d’amis
Comme ils ont dévissé par charretées entières
Leucémie cancer cirrhose infarctus
Tombés au champ d’honneur du sang-de-taureau
Et de la palinka
Ils ne l’ont pas volé
Ils cherchaient les ennuis avec leurs noms juifs
Leur pedigree suspect
Celui-ci ? Un chtarbé magnifique – Celui-là ? Ironique à pleurer
As-tu couché avec cet autre ? – Possible, fort possible
Cette belle actrice ? – Noyée, noyée
Et grâce au délirium cet autre a pu rallier
Les miradors et barbelés
Qui lui manquaient
Aucun n’a fait carrière n’est devenu un ponte n’a reçu de médaille
Aucun n’a pris les armes n’a occis son prochain
Ni fait de vieux os
Pour ces doux dingues ces bancroches superbes
Adieu le téléphone et fini les emails
Plus de conditionnel rien que de l’irréel
Déjà leurs tours de Babel
En papier prennent la poussière dans les rayons du fond
Et toi – honte et remords – tu écrases leurs pauvres noms fânés
D’irréguliers
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Oui.